jeudi, septembre 07, 2006

Arguments contre le commerce international ou l’ouverture du marche

En jetant un coup d’oeil rapide sur les dernières nouvelles sur la mere-patrie (un terme nostalgique, inapproprié certes pour une RDC qui n’existe plus), je suis tombe sur le nom de l’entreprise textile UtexAfrica. Du coup je me suis demande ce qu’elle est devenue dans le contexte actuel ou les importations chinoises ont «envahis» les marches mondiaux. J’ai eu donc l’idee de deverser ici quelques notes sur le commerce international, principalement le protectionsme que certainses industries souhaitent vivement afin de se proteger (mieux de s’isoler, quelle idee suicidaire!) contre les «inondations chinoises».
L’idee de la protection de l’industrie naissante (en Anglais en parle de «infant industry») voudrait que l’Etat mette en place une serie de mesures protectrices en vue de permettre a l’industrie naissante d’evoluer loin de la competition exterieure. Cette protection devrait constituer une sorte d’incitations a investir dans l’equipement, a ameliorer l’efficacite de sa production, a profiter d’une production d’echelle et a developper l’innovation et la differentiation de ses produits. En fait, de l’Europe au Japon et Coree en passant par les USA, tout le monde a suivi un cursus economic fonde sur cette politique industrielle. Ces pays ont proteges certaines industries tout en assurant que celles-ci grandissaient effectivement. A cote des industries naissantes, les autres secteurs matures restaient ouvert a la competition et au comerce internationale. Ce faisant, non seuelemnt que l’acces au marche mondial etait maintenu, mais surtout l’access aux idees, innovations et échanges technologiques etaient preservees.
Dans les annees 1950s, les pays fraichement liberes/independants porterent cette idde a l’extreme avec la politique connue sous le terme «d'une industrialisation par substitution des importations». Cette strategie d'industrialisation est la solution defendue par les economistes structuralistes pour accelerer le developpement des pays pauvres. Pourqoui les structuralistes (que j’aime tellement, mais hesites de m’affirmer tel a cause de l’echec des politiques strcturalistes en Amerique Latine en 1950s-70s). D’abord, les structuralistes contestent l'existence d'effets d'entrainement generes par les relations internationales et par la-même la theorie neoclassique du commerce international et notamment l'idée irréaliste selon laquelle le commerce des produits de base favorise l'egalisation des prix des facteurs et plus specialement des salaires. En fait, pour les structuralistes, le commerce international ne fait qu'entretenir ou renforcer les inegalités existantes entre les pays developpes et ceux qui ne le sont pas.Dans ce contexte il faut des politiques protectionnistes pour l'industrie naissante et une industrialisation par substitution des importations. En RDC, on se rappelle les slogans du genre «consommons local», une sorte de Congolite de la consommation.
Quant a sa mise en œuvre, la substitution des importations suppose la mise sur pied de barrieres protectrices. L'instauration de droits d'entree a l’importation est la plus facile des mesures qui sont mis en place (encore en cours en RDC et qui fait le bonheur de l’OFIDA tout en alimentant le budget des personnalites au pouvoir). La politique du taux de change peut être aussi utilisee comme mécanisme tendant a faciliter les transferts intersectoriels de profits (qui s’accompagne de la corruption et clientelisme). Le principe de base consiste en un systeme de taux de change qui surevalue la monnaie nationale subventionnant ainsi l'importateur (le secteur industriel) aux depens de l'exportateur (le secteur agricole).
Bref, les appels contre les importations chinoises est un piege qu’il faut eviter. N’est-ce pas que nos tricots sont maintenant deux fois moins chers qu’avant? Nos entreprises doivent apprendre la competition, qui elle ne peut-etre possible qu’avec entre autre l’innovation.

lundi, septembre 04, 2006

Les politiques de développement à l’heure du capitalisme cognitif

par Carlo Vercellone
Octobre 2002
Les concepts de développement et de sous-développement ne sont pas figés. Ils ont une histoire façonnée par les conflits et les mutations de la division internationale du travail (DIT) qui traversent cinq siècles de mondialisation capitaliste. Aussi la polarisation développement/sous-développement plonge-t-elle ses racines, bien avant la révolution industrielle, durant la période d’expansion du capitalisme mercantiliste, entre les XVI et XVIII siècles. C’est à cette époque que la formation des Etats-nations européens, sur la base de l’alliance des princes et des marchands, s’associera à deux processus indissociables : l’assujettissement des mondes extra-européens et la mise en place d’une Division Internationale du Travail (DIT) structurée autour du circuit du commerce triangulaire et du système colonial des plantations. En somme, l’impérialisme n’est pas un stade tardif du développement capitaliste (et encore moins le dernier), mais un trait consubstantiel à la formation des Etats-nations et de l’économie-monde européenne. Ce clivage initial jouera un rôle clé dans l’accumulation primitive du capital et dans l’essor de la première révolution industrielle. Dès lors, le développement du capitalisme industriel approfondira ces asymétries de la DIT en leur donnant un caractère auto-entretenu et cumulatif. Il fixera, du moins jusqu’à l’après deuxième guerre mondiale, les termes de " l’ancienne " division du travail nord-sud, fondée sur l’échange produits manufacturiers/produits primaires. Les guerres de libération nationale et le processus de décolonisation seront le début d’une remise en cause de l’ordre impérialiste et de la DIT issue de la première révolution industrielle. Des textes fondateurs de la CEPAL (Commission Economique pour l’Amérique Latine) jusqu’aux théories radicales de la déconnexion, c’est aussi l’âge d’or de la formation de la théorie de la dépendance et d’une économie de développement hétérodoxe. Elle fait de l’Etat-nation de la périphérie, d’un Etat-nation imitant et s’opposant à la fois au modèle euro-centriste, le vecteur principal du développement et de la rupture avec la DIT. Il s’agit d’un projet d’indépendance économique nationale capable d’assurer la transition d’un modèle dépendant vers un modèle autocentré semblable à celui des pays avancés.
Notons que la revendication du " développement ", tout en parvenant à construire le concept et l’unité du tiers-monde face aux deux blocs, révèle aussi ex-post toute son ambiguïté. En fait, le développement coïncide avec le choix d’adopter un modèle de progrès industriel " selon lequel chacun aurait reconstruit lui-même en suivant l’exemple de l’Occident moderne colonisateur, mais sans devoir subir l’assujettissement et l’exploitation implicite au colonialisme ". (V. Shiva, 2002). Cette ambiguïté conduit à importer, avec l’idée de développement, l’ensemble des catégories (concernant la richesse, les besoins, la productivité, le rapport à la nature et aux savoirs) élaborées par l’économie politique en Occident dans le cadre spécifique du capitalisme industriel.Les années 1950-80 restent pourtant la grande époque des politiques de substitution d’importation sur lesquelles s’est parfois greffé, avec un succès inégal, une stratégie de substitution aux exportations. En particulier, l’essor d’un certain nombre de NPI ( Nouveaux Pays Industrialisés) du Sud-Est asiatique modifie l’ancienne DIT et fait éclater l’unité du tiers-monde.
Au début des années 1980, le choc monétariste et la crise de la dette mettent fin aux illusions concernant la " mondialisation du fordisme ". Sous l’égide du FMI et de la Banque Mondiale l’approche libérale, dans une version largement monétariste, retrouve une domination sans partage. Le paradigme développementaliste cède ainsi la place au paradigme du " consensus de Washington " structuré autour du triptyque austérité-privatisations-libéralisation (J-E. Stiglitz, 2002). Le développement dans ce cadre n’est plus le but recherché. Il est le fruit promis d’une croissance spontanée transmise par le marché mondial et une spécialisation fondée sur les avantages comparatifs. Force est de constater que les politique néo-libérales se sont non seulement révélées incapables de résorber le fardeau de la dette (celle-ci s’est même considérablement alourdie), mais elles ont aussi précipité une grande partie des pays soumis à l’ajustement structurel (y compris les économies en transition) dans une véritable spirale perverse de développement du sous-développement. De plus, la crise financière des années 1997-1998 a montré que la libéralisation financière peut aussi conduire à une déstabilisation des modes de développement les plus dynamiques tels ceux des pays du Sud-Est asiatique ayant suivi, du moins jusque vers le milieu des années 1990, des stratégies de croissance hétérodoxes (R. Boyer, 2001). Last but not least, l’essor d’un nouveau cycle international des luttes, la crise financière et l’embrasement social en Amérique Latine viennent " couronner " la crise du consensus de Washington. Les questions indissociables du développement et de la régulation de l’économie mondiale se trouveraient ainsi, aux dires même de l’ancien vice-président de la Banque Mondiale J-E. Stiglitz, " à la croisée des chemins, exactement comme pendant la grande crise ".S’il existe aujourd’hui un large accord autour du constat d’une " crise du développement ", elle est lue essentiellement à travers un prisme qui, au sens de Polanyi, l’appréhende comme l’_expression d’un mouvement de balancier historique opposant l’Etat et le Marché en tant que principes de coordination économique. Dès lors, l’enjeu du renouveau actuel de l’économie du développement se trouve soit dans le retour en force de l’Etat développementaliste, soit dans une synthèse théorique nouvelle prônant un " équilibre bien tempéré entre intervention publique et ajustement décentralisé", (R. Boyer, 2001).
Au total, on raisonne comme si la question du développement se situait essentiellement au niveau du mode de régulation (par l’Etat ou le marché) susceptible de relancer une dynamique de croissance (fordiste ou post-fordiste) centrée sur le rôle moteur du capitalisme industriel. L’insatisfaction face à ce type de débat est l’une des préoccupations principales qui anime les articles réunis dans ce dossier.Notre hypothèse est en fait que la crise actuelle du développement doit être rapprochée de la crise du capitalisme industriel et de la transition vers ce que l’on peut qualifier de capitalisme cognitif. Par ce concept, on désigne l’essor d’une économie fondée sur la diffusion du savoir et dans laquelle la production de connaissance devient le principal enjeu de la valorisation du capital. Dans cette transition, la part du capital immatériel et intellectuel, définie par la proportion des travailleurs de la connaissance (" knowledge workers ") et des activités à haute intensité de savoir ( services informatiques, R&D, enseignement, formation, santé, multimédia, logiciels...) s’affirme désormais comme la variable clé de la croissance et de la compétitivité des nations. Cette évolution va de pair avec deux autres mutations majeures qui ont un impact crucial sur la restructuration de ce qu’il est convenu d’appeler le rapport nord-sud et l’élaboration d’une stratégie de sortie du sous-développement à l’heure du capitalisme cognitif : la première est liée aux limites écologiques de la croissance industrielle qui renversent la positivité de cette dernière (la production de masse comme lutte contre la rareté) en une force de destruction. Notons d’emblée que la crise écologique rend inconcevable une extension planétaire du paradigme industriel de développement. Elle conduit aussi à redonner une portée universelle aux savoirs traditionnels des communautés paysannes contre la logique de la monoculture imposée par la révolution verte, puis par la révolution bio-technologique (V. Shiva, 1995). la deuxième a trait à la mise en place d’une nouvelle DIT fondée sur des principes cognitifs et dont la régulation s’appuie les nouvelles enclosures du savoir et sur la captation du cognitif au profit du financier ; - la troisième concerne la tendance vers l’Empire et le déclin de l’Etat-nation en tant qu’espace et levier essentiel d’une stratégie de développement susceptible de déterminer un processus de changement social.
Capitalisme cognitif et nouvelle division internationale du travail
Le processus de mondialisation actuel peut, sur bien des aspects, être interprété comme le renouvellement d’un vaste processus d’accumulation primitive. Il combine étroitement les méthodes traditionnelles de l’expropriation originelle et la tentative de transformation en marchandises de la totalité du monde de la vie et de la pensée. On assiste ainsi, à une nouvelle dynamique de privatisation, parasitaire, du commun qui investit, du nord au sud de l’économie monde, les savoirs traditionnels comme les savoirs nouveaux de l’économie de la connaissance, les anciens droits collectifs sur les espaces agricoles et forestiers et les services collectifs du welfare state.Le contenu essentiel de cette refonte de l’accumulation du capital repose sur la "captation " de l’économie du savoir au moyen et au profit du financier et de la généralisation d’une économie de rente. Dans ce cadre, le drainage formidable des ressources opéré du sud vers le nord grâce au service de la dette participe au même titre que l’extension du système des brevets et la mise en place du " capitalisme actionarial " à ce mécanisme de spoliation et d’exploitation rentière du travail des multitudes. Dans ce cadre, deux facteurs principaux structurent une nouvelle DIT qui s’accompagne d’une exacerbation des inégalités spatiales de développement.
Le premier résulte " de la montée inexorable du contenu en connaissances scientifiques et techniques dans les activités productives " (M. Mouhoud, 2002). Dans la mesure où le capital physique devient une variable secondaire par rapport à la capacité de mobiliser en réseau les intelligences des hommes, on assiste au basculement vers une division cognitive du travail " reposant sur le fractionnement des processus de production selon la nature des blocs de savoirs qui sont mobilisé " (ibidem). Ce processus n’est pourtant ni univoque ni uniforme dans l’espace, mais il favorise une polarisation nouvelle particulièrement marquée pour ce qui concerne les activités intensives en connaissance. Dans la nouvelle division cognitive du travail, le facteur déterminant de la compétitivité d’un territoire dépend de plus en plus du " stock " de travail intellectuel mobilisable de manière coopérative par celui-ci. Dans ce cadre, " la logique d’exploitation d’avantages comparatifs recule au profit de la détention, par le territoire, d’éléments de monopoles ou d’avantages absolus sur des compétences spécifiques " (ibidem).Cette tendance à la polarisation est d’autant plus forte que l’automation et les économies de variété permettent aux pays d’ancienne industrialisation de reconquérir des avantages comparatifs y compris dans les secteurs intensifs en travail. C’est pourquoi, la nouvelle DIT se caractérise par une tendance à la relocalisation d’activités productives qui, lors de la crise du fordisme, ont fait l’objet d’une décentralisation productive dans les pays à bas salaires. Mieux encore, la révolution bio-technologique permet souvent au nord de remplacer par des " marchandises nouvelles " les produits et les matières premières traditionnellement importées du sud. C’est ainsi que malgré l’augmentation considérable de l’Investissement Direct à l’Étranger (IDE), il reste concentré dans les pays développés et dans un nombre limité de NPI à forte croissance disposant d’un vaste marché et/ou d’un fort potentiel de force de travail qualifié. Le développement inégal de l’économie de la connaissance tend ainsi à conduire à une logique auto-entretenue cumulative qui condamne un certain nombre de pays en développement à une véritable " déconnexion forcée " (M. Mouhoud, 1992 & 2002). Cette logique de la " déconnexion forcée " est renforcée par les barrières protectionnistes que les pays du nord continuent à ériger contre les pays du sud, comme le montre le cas exemplaire des politiques agricoles américaine et européenne. En somme, comme le dirait Paul Bairoch " le libre échange continue à être un mythe " sauf pour les pays du sud auxquels est imposé. Le deuxième facteur qui structure la nouvelle DIT sont les " enclosures du savoirs " dont les pivots sont le renforcement des droits de propriété intellectuelle, le brevetage du vivant et la biopiraterie des savoirs traditionnels. Cette politique de constitution artificielle de " rentes de position " est souvent justifiée par l’argument selon lequel, dans les secteurs à forte intensité en savoir, l’essentiel des coûts est fixe et se trouve dans les investissements en recherche et développement (R&D) des entreprises. Le coût marginal de " reproduction " de ces biens et services intensifs en connaissances étant réduits ou nuls, ils devraient être cédés gratuitement. L’élargissement et le prolongement des droits de propriété intellectuelle seraient alors la condition essentielle de l’innovation, permettant aux firmes d’amortir leurs coûts de R&D Il faut remarquer que cette défense théorique du rôle des brevets, située au cœur des nouvelles théories de la croissance endogène, est sur bien des aspects fallacieuse et se révèle être un instrument idéologique justifiant les nouvelles " enclosuses sur les savoirs " et l’exclusion du sud de l’accès à la nouvelles division cognitive du travail (Herrera &Vercellone, 2002). Trois arguments permettent d’étayer cette thèse :
La plupart des coûts fixes de recherche se trouvent en réalité en amont du système même des entreprises et de leurs centres de R&D. Ce constat est encore plus pertinent si l’on songe au fait que le coût marginal de ces productions étant proche de zéro, ces biens devraient considérés comme des biens publics. Le brevetage du vivant repose largement sur l’appropriation gratuite, voire sur un véritable pillage des ressources génétiques et des savoirs traditionnels du sud et plus particulièrement des régions tropicales qui sont parmi celles qui ont subi le plus dramatiquement les effets de la " déconnexion forcé " de la nouvelle DIT. Le brevetage des savoirs traditionnels et des ressources issues de la bio-diversité se traduit par l’interdiction d’utiliser les semences agricoles brevetées et l’imposition de monocultures qui finissent par détruire cette même bio-diversité et ce réservoir de savoirs sur lequel s’est appuyé le développement des entreprises bio-technologiques du nord.
Économie de la connaissance et développement soutenable
L’analyse du capitalisme cognitif et de la nouvelle DIT peut livrer plusieurs enseignements en vue d’un renouveau de la théorie du développement. Un renouveau capable de redéfinir à la fois les moyens et le contenu du développement en les inscrivant dans le projet d’une " mondialisation autre ". Dans cette perspective, nous allons énoncer quelques axes de réflexions qui pourraient contribuer à l’élaboration d’un programme de recherche.
Une première série d’enseignements a trait à la critique des stratégies libérales du consensus de Washington, qu’elle permet de préciser sur au moins deux points fondamentaux : la nouvelle DIT infirme encore plus que dans le passé la thèse selon laquelle les " pays en développement " devraient se spécialiser dans les activités intensives en main-d’œuvre et à faible contenu en connaissance. Le processus de divergence cumulative endogène à l’économie de la connaissance, la réversibilité des processus de délocalisation rendue possible par les NTIC, ( Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) sans oublier la capacité des bio-technologies de créer des produits remplaçant les anciennes matières premières importées auparavant du sud, font en sorte que ce type de stratégie d’insertion dans la DIT risque de se révéler souvent comme la voie la plus rapide vers la " déconnexion forcée " ; les politiques d’ajustement structurel, loin d’avoir orienté l’IDE vers les PVD, ont conduit à un recul dramatique des dépenses dans les systèmes d’éducation et de santé. De cette sorte, elles ont non seulement eu des effets néfastes sur les conditions de vie des populations, mais elles ont aussi déstructuré les pré-requis essentiels à l’essor de l’économie de la connaissance et à une insertion non subalterne dans la DIT.
2) Une deuxième série d’enseignements concerne l’identification des secteurs moteurs sur lesquels pourrait reposer une stratégie de sortie du sous-développement adaptée aux défis du capitalisme cognitif et de la crise du paradigme industriel du développement.Dans cette démarche, il peut se révéler fort utile de partir d’une relecture critique du noyau dur commun aux théories développemantalistes des années 1950-70. La problématique à la base des ces théories peut être synthétisée par une contribution essentielle de S. Amin. Ce dernier, au début des années 1970, caractérisera à travers une approche en sections productives les modèles types respectifs d’une économie du centre, d’une part et d’une économie périphérique, d’autre part. Le premier modèle reposait sur une articulation cohérente entre la section industrielle de biens d’équipement (S1) et la section de biens consommation de masse (S2). Il s’agissait donc d’un modèle autocentré dont les relations fondamentales ont été celles décrites par l’école de la régulation par le concept de Fordisme.À l’opposé, le régime d’accumulation d’une économie type de la périphérie reposait sur un modèle extraverti et dépendant. Ce modèle était construit sur la relation fondamentale entre une section exportatrice (S3) et une section de biens de consommation de luxe (S4). Les sections industrielles modernes S1 et S2 y sont quasiment absentes. La reproduction de la force de travail, quant à elle, est assurée essentiellement par un artisanat et une agriculture traditionnels constitués par ce qui reste des sociétés périphériques d’avant la colonisation et la pénétration du capitalisme. Il s’agit en somme de " l’extérieur " de Rosa Luxemburg. Un autre trait essentiel de l’économie périphérique est en fait le dualisme. Il se caractérise par la juxtaposition d’un secteur capitaliste extraverti et d’un secteur traditionnel archaïque et pour l’essentiel non marchand. Le processus de développement correspond dès lors à une politique volontariste d’industrialisation permettant le passage du modèle extraverti et dualiste de la périphérie vers le modèle autocentré du centre. Selon la plupart des théories du développement, dans cette transition, le rôle essentiel joué par le secteur traditionnel, est de favoriser, jusqu’à sa disparition, la hausse du taux d’accumulation dans le secteur moderne capitaliste en lui garantissant la compression des salaires et une offre illimitée de force de travail.
Il est inutile d’insister ici sur les limites intrinsèques et le caractère insoutenable de cette approche productiviste. Le concept de développement se confond ici, en dernière instance, avec celui d’une croissance industrielle permettant aux PVD d’adopter enfin un modèle industriel semblable à celui qui jadis a fait la fortune des Etats-Unis, de l’Europe de l’Ouest ou du Japon. La " crise de mutation " actuelle du capitalisme impose le passage vers un concept de développement soutenable conçu comme la constitution d’une société de la " démocratie et de la coopération des savoirs " dans laquelle, pour le dire avec le Marx des Grundrisse, le " principal capital fixe devient l’homme lui-même ".Trois thèses principales étayent cette conception générale du développement. La vision dualiste opposant un secteur moderne et un secteur traditionnel destiné à disparaître avec le développement devient de plus en plus caduque. Les crises écologiques locales et globales montrent que les savoirs collectifs des communautés paysannes " qui ont permis l’évolution et la protection de la bio-diversité doivent être reconnus, en reconnaissant que leurs savoirs ne sont pas primitifs mais appartiennent en revanche au futur " (Vandana Shiva, 1995). Ce secteur traditionnel, lorsqu il n’existe plus, doit par ailleurs être crée ex novo, comme c’est le cas aujourd’hui en Europe avec les méthodes d’agriculture et d’élevage biologiques. La synergie et l’hybridation entre les savoirs traditionnels et la recherche en nouvelles techniques économes en énergie, se trouvent au cœur d’un paradigme technologique soutenable, économisant le " facteur terre " et assurant le respect de la bio-diversité comme de la pluralité des savoirs des multitudes.La production de connaissances au moyen de connaissances, doit être désormais considérée, davantage que les sections de biens de consommation et du capital matériel, comme la troisième et principale section productive. C’est d’elle que dépendent le rythme de développement et la possibilité d’une insertion non subalterne dans la nouvelle DIT. Ce potentiel est, à son tour, tributaire du degré de développement des institutions collectives assurant le libre accès au savoir et la formation d’une intellectualité diffuse. Le rôle jadis dévolu au capital fixe dans le cadre d’une politique de sortie du sous-développement, est désormais remplacé par le rôle moteur des investissements immatériels (santé, éducation, recherche, infrastructures informationnelles et sociales) permettant l’épanouissement de l’économie de la connaissance.La thèse selon laquelle le développement implique, du moins dans sa phase initiale, un approfondissement des inégalités pour favoriser l’accumulation au détriment de la consommation immédiate perd toute justification théorique pour deux raisons principales : la réduction des inégalités est une condition essentielle de la diffusion du savoir et de l’essor d’une économie de la connaissance ; de par leur nature, les investissements immatériels brouillent la distinction traditionnelle entre biens de consommation et biens d’équipement et se présentent à la fois comme une production et une consommation collective. En résumé, sur un plan strictement économique, l’ancien objectif de développement (celui fondé sur la relation entre S1-S2), se trouverait remplacé et/ou subordonné à l’objectif prioritaire de la création d’une articulation cohérente entre la section intensive en connaissance (que l’on notera S5 et qui comprend aussi les services collectifs du welfare) et le renouveau du secteur dit traditionnel (que l’on notera S6).Nous avons là les conditions d’un développement soutenable dont la réalisation dépasse pourtant la capacité d’innovation et d’autonomie de chaque territoire. Cette réalisation implique la rupture avec l’actuelle régulation néo-libérale de la DIT fondée sur les " enclosures " du savoir et la captation du cognitif au profit du financier.La crise actuelle à cet égard se présente sur bien des aspects comme la première " grande crise " de régulation du capitalisme cognitif. Une " crise de mutation " qui, comme l’explicite le dernier rapport de la Banque Mondiale, montre l’impossibilité de l’actuel régime de croissance d’assurer la " cohésion sociale et la préservation des ressources naturelles ".L’issue de cette grande crise, comme l’enseigne l’histoire des autres grandes crises traversées par le capitalisme, est bien entendu indéterminée, lié au jeu d’une complexe dynamique conflits/innovation. Elle a cependant le mérite de montrer derrière la misère du présent toute la richesse des possibles.
Bibliographie
Amin, S. (1973) Le développement Inégal, Edition de Minuit, Paris Boyer, R. (2001) L’après-consensus de Washington : institutionnaliste et sytémique ?, in L’Année de la régulation, N° 5, pp. 13-57, Presses de Sciences Po, Paris Hardt, M. & Negri, A., (2000) Empire, éd. Exils, Paris Mouhoud, M. (1992) Changement technique et division internationale du travail, Economica, Paris Mouhoud, M. (2002) Les logiques de la division internationale du travail dans l’économie de la connaissance, à paraître in (sous la direction de C. Vercellone), Le crépuscule du capitalisme industriel ?, La Dispute, Paris Herrera, R. & Vercellone, C., (2002) Transformations de la division du travail et general intellect à paraître in (sous la direction de C. Vercellone) Le crépuscule du capitalisme industriel ?, La Dispute, Paris Shiva, V. (1993) Monocultures of the Mind. Perspectives on Biodiversity and bio-tecnology, Zeed Books Ltd., London Shiva, V. (2002), Terra madre. Sopravvivere allo sviluppo, Utet, Turin Stiglitz, J.E. (2002) La grande désillusion, Fayard, Paris

le Focus: Pauvrete ou Croissance?

Une petite reflxion qui m’est arrivee en lisant un extrait d’un entretien de Donald Rumsfeld (secretaire a la defense americain). Il a dis ce qui suit (je le traduis directement de l’Anglais): «J'ai eu un ami par le passe et il a ete invite a presider une commission, un comite international, et le titre qu’on l’a presente etait «causes de la pauvrete». Il a d’abord refuse. Ensuite il a dit: je le ferai mais sur une condition. La condition est que nous changeons le titre pour quelque chose comme celui-ci: les causes de la prospérite. La raison etait que le premier titre (causes de la pauvrete) donne la fausse impression que l'etat normal du monde est pour que les populations soient prosperes et que pour certaines raisons les gens sont pauvres. Il a regarde le monde d’une autre maniere. Il a dit que l'etat normal est que les gens doivent etre relativement pauvres mais qu’il y a certaines manieres et certaines choses qui peuvent etre faites de maniere a entrainer la prosperite.» Fin de citation de Rumsfeld.
Ceci veut dire que la pauvrete n’a pas des causes si ce ne sont le fait de ne rien faire pour s’en sortir. Naturellement, les hommes (dans une communaute ou pays) naissent pauvres ; s’ils ne font rien, ils restent pauvres. La reflexion ne doit pas focaliser sur la pauvrete car a la longue on decouvrira qu’elle est avec nous des le depart. Mais les causes de la prosperite meritent bien notre attention.
Pour nous economistes, la prosperite depend de la croissance, ainsi les economistes doivent chercher a comprendre comment declencher la croissance chez nous. Cependant, notre connaissance de ce qui cause la croissance est tres tres limitee, il faut honnetement le reconnaitre. La revue de la literature ainsi que les evidences empiriques ne nous donne pas la potion magique ou une simple reponse. Chaque recette est accompange d’un contre-exemple. Une devise stable et un afflux des capitaux etrangers sont-ils la reponse? Si on regarde le cas de l’Argentine, qui s'est effondree apres une decennie d’une monnaie fixee au dollar doublee d’un influx massif des capitaux exterieurs, on comprends que la stabilite monetaire et les capitaux exterieurs sont loins d’etre la potion magique de la croissance. La privatisation est-elle une panacee? Ne dites pas cela en Russie et les autres republiques de l'ancienne Union Sovietique. Une propension elevee d’epargne locale est-elle la potion magique? Pas si vous regardez l’absence de croissance au Japon depuis le debut des annees 1990s. La democratie est-elle la voie obligee vers la croissance? Pas vrai lorsque vous observez les performances spectaculaires de la Chine. Ces contre-exemples veulent simplement dire que la croissnce resulte d’une combinaison de differents parametres qu’il faut mettre en place.
Une aide exterieure massive ou un Plan Marshall vers l’Afrique ne pourront assurer la croissance economique a l’Afrique que si les autres facteurs (capital humain, culture d’innovation, bonne gouvernance…) sont bien au rendez-vous.

L'Afrique face a son destin

La réalisation des objectifs de développement à long terme de l'Afrique s'ancre dans la détermination des peuples africains à "se sortir eux-mêmes et sortir le continent du malaise du sous-développement et de l'exclusion à l'heure de la mondialisation", proclame l'introduction de la nouvelle Initiative africaine. En lançant cette stratégie, "les Africains ne demandent ni un accroissement de la dépendance vis à vis de l'aide, ni des concessions mineures". Plutôt, déclare l'Initiative, "nous déterminerons notre propre destin" grâce "à une mobilisation audacieuse et imaginative", et à l'exploitation des capitaux, de la technologie et des compétences humaines à notre disposition. Le document prône une nouvelle relation entre l'Afrique et la communauté internationale, dans laquelle les partenaires non-africains s'efforceront de compléter les propres efforts de l'Afrique.
L'Initiative -- qui n'est pas encore rédigée sous sa forme définitive -- combine deux plans précédents, le Partenariat du millénaire pour le Programme de relance africain lancé par les Présidents de l'Afrique du Sud, du Nigéria, et de l'Algérie, et le Plan Oméga, amorcé par le Président du Sénégal. En août, le Président Olusegun Obasanjo du Nigéria et le Président Abdoulaye Wade du Sénégal ont rencontré un groupe d'experts internationaux en vue de définir la suite du travail à accomplir. Les participants aux discussions ont convenu que l'élaboration de stratégies d'application concrètes dans certains domaines précis du plan serait du ressort "d'équipes spéciales", alors que d'autres experts seraient chargés de préciser et de peaufiner l'ensemble du texte. Leur objectif est de finir à temps pour le Sommet du Groupe des Huit, prévu pour juin 2002 au Canada, et de soumettre la version finale du document à l'Assemblée générale des Nations Unies au cours de sa session de 2001-2002. (Une version préliminaire de la nouvelle Initiative africaine est publiée sur le site Web : .)
L'Initiative déclare que l'Afrique a hérité du colonialisme des Etats faibles et des secteurs privés insufisamment développés. A l'heure où la mondialisation complique la participation de l'Afrique à l'économie internationale, les promoteurs de l'Initiative affirment que "les avantages d'une intégration bien gérée [au sein de l'économie mondiale] présentent les meilleures garanties d'un avenir économique prospère et d'une réduction de la pauvreté".
Trois conditions sont indispensables au développement de l'Afrique, affirme l'Initiative : la paix, la sécurité, la démocratie et la bonne gouvernance politique ; une meilleure gouvernance de l'économie et des entreprises ; et la coopération régionale et l'intégration. Le document distingue plusieurs secteurs prioritaires qui réclament une attention et des actions particulières :
l'infrastructure physique, en particulier les routes, les voies ferrées et les réseaux énergétiques qui relient des pays africains voisins ;
les technologies d'information et de communication ;
le développement humain, axé sur la santé et l'éducation, y compris l'apprentissage des compétences ;
l'agriculture ;
la promotion de la diversification des produits et des exportations, notamment l'accès des exportations africaines aux marchés des pays industrialisés.
Pour accomplir des progrès significatifs dans ces domaines, il faudra que l'Afrique mobilise plus de ressources par une série de mesures prises sur le continent et ailleurs, affirme l'Initiative. Pour leur part, les pays africains pourront adopter des mesures d'encouragement de l'épargne nationale des sociétés et des ménages, assurer une meilleure perception des impôts, rationaliser les dépenses publiques, et renverser la fuite des capitaux, en partie par l'octroi de conditions favorables aux investissements nationaux. Dans l'immédiat, la communauté internationale pourra contribuer à ces efforts en augmentant sensiblement l'aide publique au développement ; l'Initiative propose toutefois de réviser les modalités d'attribution d'une telle aide qui, sous sa forme actuelle, crée "de sérieuses difficultés pour les pays en développement". Le document invite par ailleurs les créanciers à multiplier les mesures d'allégement de la dette, à la fois en faveur des pays qui y ont droit dans le cadre de l'Initiative des pays pauvres très endettés et des pays qui ne font pas partie de cette catégorie. En outre, l'Initiative souligne l'importance de l'apport de nouveaux capitaux privés de l'étranger, mais estime que puisqu'il est actuellement difficile d'attirer de tels capitaux en Afrique, ces apports ne pourront constituer qu'une solution "à plus long terme" à l'insuffisance des ressources du continent. Néanmoins, quelle que soit l'aide obtenue des partenaire extérieurs, "l'Afrique affirme qu'elle détient la clé de son propre développement", conclut l'Initiative.
(Source: Afrique Relance, Vol.15# 3, octobre 2001, page 24)