samedi, juillet 21, 2007

Le déficit en termes d'innovation accentue le retard des pays pauvres

La science, la technologie et l'innovation ne sont pas un luxe, mais une nécessité, pour les pays les moins avancés (PMA). Mais le dernier rapport annuel sur ces pays, publié, jeudi 19 juillet, par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) constate que leur ouverture au commerce international n'a pas entraîné les avancées technologiques nécessaires pour les arracher à la pauvreté.
Or, c'est précisément dans le domaine du savoir, élément clé de la croissance de la compétitivité et de la conquête des marchés mondiaux, que ces cinquante PMA – une trentaine sont en Afrique – restent les plus démunis, selon la Cnuced.
"Si les PMA restent à l'écart de cette évolution, ils seront de plus en plus marginalisés dans l'économie mondiale, où la concurrence dépend de manière croissante des connaissances plutôt que des avantages comparatifs statiques tirés des ressources naturelles", précise Habib Ouane, directeur de la division de l'ONU sur les PMA.
Les importations de machines ou de nouveaux matériels qui permettraient aux entreprises locales de moderniser leur outil de production ont ralenti au cours de ces vingt-cinq dernières années. Entre 2000 et 2005, les PMA ont importé pour à peine 18 dollars de biens d'équipement par habitant, contre 207 dollars pour les autres pays en développement.
Malgré l'afflux d'investissements directs étrangers (IDE), ces pays restent cantonnés dans la production de produits de base à faible valeur ajoutée faisant appel à une main-d'œuvre peu qualifiée. Entre 2000 et 2005, les IDE dans les pays pauvres ont été trois fois plus élevés qu'au cours des dix années précédentes, mais ils ne dépassent toutefois pas 1 % des flux mondiaux.
FUITE DES CERVEAUX
En outre, les investissements restent peu diversifiés sur le plan géographique : l'Angola, le Tchad, la Guinée-Equatoriale et le Soudan, producteurs de pétrole, concentrent à eux seuls plus de la moitié des IDE. Les sociétés transnationales européennes ou américaines implantées dans ces pays fonctionnent "comme des enclaves et nouent peu de liens en amont et en aval avec des entreprises locales", souligne le rapport. Caractérisées par une forte intensité en capital, les activités d'extraction minière en Afrique de ces filiales étrangères, qui exportent des matières premières non transformées, ont un faible impact sur l'emploi.
Quant à l'accroissement des IDE dans le secteur de l'habillement en Asie, il s'est accompagné d'une croissance de l'emploi et des exportations sans développement des capacités technologiques des entreprises. "Le manque d'imbrication dans l'économie nationale fait que la confection dans les PMA reste tributaire de l'existence de conditions préférentielles d'accès aux marchés", précise l'agence onusienne, soulignant que celles-ci peuvent disparaître du jour au lendemain.
Les auteurs s'inquiètent aussi de l'accélération de la fuite des cerveaux. La migration de la main-d'œuvre diplômée de ces pays est d'autant plus préjudiciable que les ressources en capital humain qualifié sont peu abondantes. Il y a 94,3 chercheurs pour un million de personnes dans les PMA, contre 313 dans les pays en développement et 3 728 dans les pays riches, souligne le rapport.
La Cnuced reconnaît que, dans le cadre des programmes d'ajustements structurels mis en place par les bailleurs de fonds et destinés à préserver les équilibres macroéconomiques, les PMA n'ont pas su négocier des assouplissements afin de préserver leur potentiel de créativité. Les gouvernements locaux ne dépensent, en effet, que 0,3 % de leur produit intérieur brut en recherche et développement, contre 0,8 % dans les pays en développement et 2,4 % dans les pays riches.
Pourtant les responsabilités sont partagées. Les pays développés n'ont pas su mettre en place pour les PMA les recettes qui assurent le succès de leur propre croissance, déplore M. Ouane. Ces vingt-cinq dernières années, 3,9 % des prêts de la Banque mondiale étaient destinés à des projets scientifiques ou technologiques pour des pays à revenus moyens comme l'Indonésie ou le Mexique. Parmi, les pays pauvres, seul le Bangladesh a pu en bénéficier.
Par Maguy Day
Article paru dans l'édition du 21.07.07 du Journal Le Monde.