lundi, décembre 10, 2007

La Banque du sud est ne (une idee de Chavez)

La Banque du Sud, qui se veut une riposte latino-américaine au Fonds monétaire international (FMI), a été lancée, dimanche soir 9 décembre, à Buenos Aires, au cours d'une cérémonie à laquelle participaient six des sept présidents des pays d'Amérique du Sud impliqués dans ce projet : le Venezuela, le Brésil, la Bolivie, l'Equateur, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay.
"Cette banque doit être le premier pas vers une monnaie commune à l'Amérique du Sud", a déclaré au cours de la cérémonie le président bolivien, Evo Morales. Cette banque régionale, dotée au départ d'un capital de 7 milliards de dollars (4,8 milliards d'euros), a pour vocation, a expliqué le président brésilien, Luis Inacio Lula da Silva, de "financer des projets dans des secteurs-clés de l'économie, comme les infrastructures, la science et la technologie, et pour la réduction des inégalités dans la région".
Le projet est né de la volonté d'Hugo Chavez de contrer les Etats-Unis et les institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI). Le président vénézuélien considère ce dernier comme"une malédiction, dont les politiques de choc ont apporté la faim, la misère et la violence à nos peuples", a-t-il dit à son arrivée dans la capitale argentine.
BESOINS DE CAPITAUX
En cela il y a bien ici un laboratoire d'expériences qui explique que le mouvement altermondialiste, après avoir rêvé avec le Brésilien Inacio Lula da Silva, se tourne avec intérêt vers MM. Chavez ou Morales, dont les discours plus radicaux font écho à leur désir d'un " autre monde". L'expérience de Lula montre cependant que l'euphorie des lendemains de victoire peut vite se fracasser sur une réalité économique qui, pour le Brésil comme pour d'autres pays de la région, reste marquée par les contraintes d'un lourd endettement et d'un important besoin de capitaux étrangers pour financer le développement. A l'exception de M. Chavez qui surfe sur la rente pétrolière, les équipes au pouvoir y sont, à des degrés divers, confrontées.
Elu en novembre 2004, Tabaré Vasquez, le premier président socialiste de l'Uruguay, a dû signer en juillet 2005 auprès du Fonds monétaire international (FMI) un accord de prêt de 1,1 milliard de dollars pour trois ans qui inscrit la politique économique du pays dans la continuité et soumet les finances publiques à une cure d'austérité qui ne laisse aucune place à la satisfaction des attentes sociales. Les tensions n'ont pas tardé à apparaître au sein du Front élargi, la coalition au pouvoir.
En Bolivie, M. Morales, à la tête du pays le plus pauvre de la région, devra vite composer avec les équipes du FMI, de la Banque mondiale ou de la Banque interaméricaine de développement (BID), qui sont — le pays n'ayant pas accès aux marchés financiers internationaux — les principaux bailleurs d'une économie sous perfusion d'aides étrangères.
L'Argentine et le Brésil se sont dégagés de la tutelle du FMI en remboursant de façon anticipée leurs créances, mais, si les intentions de Nestor Kirchner demeurent floues, Lula a en revanche montré depuis son élection en 2002 qu'il avait opté pour une parfaite orthodoxie monétaire et qu'il misait avant tout sur une insertion réussie dans l'économie mondiale pour financer ses promesses sociales. Quitte à décevoir ses électeurs.
La mise en cause d'une libéralisation à tout va qui traverse le sous-continent se traduit par un rejet de son symbole le plus fort : la place occupée par les multinationales dans le secteur des matières premières. Gaz en Bolivie, eau en Argentine et en Uruguay... là encore un équilibre est attendu entre la volonté populaire de se réapproprier une source de richesse ou un besoin vital et la nécessité de ne pas faire fuir les investisseurs étrangers. "La Bolivie veut investir. Elle a besoin des investisseurs, adéclaré M. Morales le 13 janvier, mais les investisseurs doivent être des partenaires du gouvernement." Il s'adressait à... Lula, inquiet du sort de la compagnie nationale brésilienne Petrobras, implantée en Bolivie et responsable de 44 % de la fourniture de gaz dans le pays, aux côtés de Total, Repsol ou Exxon, dont le nouveau président bolivien a indiqué qu'il souhaitait renégocier les contrats. Après le départ de la française Suez d'Argentine, de l'américaine Bechtel de Bolivie, c'est sur ce terrain que l'Amérique latine de gauche a pour l'instant marqué sa différence.