dimanche, janvier 28, 2007

Illusions du developpement africain

Ci-bas une reflexion par le Prof Rober Kappel sur les illusions du developpement que je desire partager avec vous. La reflexion montre que malgre l’espoir sans cesse exprime depuis des decennies de voir les pays africains s’affranchir de la pauvrete a grande echelle dans un proche avenir, le contient reste confronte aux realites economiques qui ne pretent pas a de tels espoirs. Selon Rober Kappel, la majorite de pays africains devraient, selon toutes vraissemblances, attendre pres de 50 ans avant d'eradiquer la pauvrete la plus noire. Je suis d'accord avec lui a 95%; surtout sur les nouveaux espoirs que les institutions internationales soulevent chaque fois qu'elles publient leurs rapports. Je souhaiterais vivement lire la reaction de ceux qui ne partagent pas l'avis de Kappel. D'apres mes propres travaux econometriques Afrique-Asie, je suis arrive a des conclusions difficiles a reconcilier avec les projections toujours brillantes des IFIs. Lorsque j'etais encore etudiant j'avais effectue une petite analyse, pour une conference sur l'Afrique, en utilisant les donnees de 15 pays de 1970-2000. Lorsque je projetais ces resultats dans un avenir de 5 ans, meme le scenario le plus optimiste ne me conduisait pas aux conclusions que le FMI presentait sur l'Afrique au cours du meme horizon. A l'epoque, je me suis dis que peut-etre les techniques econometriques que j'utilisais n'etait pas assez sophitsiquee et que le IMF devrait avoir raison. Comme beaucoup d'Africains, a l'epoque je sous-estimais les intentions cachees des modeles de developpement que nos dirigeants appliquent avec le IMF. Lorsqu'on observe la performance de l'Afrique au sud du Sahara en 2005-07, il apparait clairement que les previsions du FMI etaient loin de la performance actuelle. Surtout lorsqu'on omet des pays 'outlier' on arrive encore a une performance encore plus faible (en statistique un outlier est une observation qui est tres loin des autres observations, pour ce cas ce le cas des pasy comme le Botswana et Maurice dont les croissances sont exceptionelles). Ces previsions faussement optimistes visent a motiver ses clients a s'endetter plus, a respecter a la lettre ses recommendations, arembourser plus dans l'espoir d'atteindre les belles performances promises. La regle est simple: plus vous vous engager avec nous, plus vous emprunter notre argent, plus vous augmentez la probabilite d'atteindre 8% de croissance annuelle.
Le cas de la RDC par exemple, en plus de cette strategie des previsions paradisaiques, IMF utilisait aussi la strategie de 'eleve modele'. Cet etiquette fut collee au Ziare sous Kengo I et II. Alors que la situation economique se deteriorait a un rythme infernal, IMF presentait le Zaire comme etant le modele de performance. Les seules performances du gouvernment Kengo etant le remboursement de la dette, le blocage des salaires et la quasi-annulation des depenses de sante et de l'education (pour des fins de remboursement des dettes anterieures: le seul objectif qui comptait).
J'ai toujours ete convaincu que les institutions financieres internationales savaient bien la realite mais que pour des raisons de duperie, elles faisaient miroiter a l'afrique des horizons meilleurs afin de perpetuer l'ordre economique mondial tel que re-modele apres la seconde guerre mondiale. La reussite de leur strategie en Afrique est impressionante! cette strategie est echoue en Asie de l'est qui a surpris tout le monde (d'ou le terme de miracle employe pour designer le succes economique de cette region du monde).
Enfin, loin de nous l'idee d'accuser le IMF d'etre a la base des malheurs de l'Afrique. Au-dela de quelques critiques, cette institutions apporte une contribution non negligeable dans les ajustements des politiques monetaires et financieres au niveau mondial. Le probleme reste la faiblesse de l'Afrique elle-meme; son incapacite a se prendre en charge, a faire ses propres previsions et a offrir des alternatives credibles.
Bonne lecture.
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Depuis les années 70, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ne se lassent pas de publier de nouveaux rapports sur les perspectives économiques de l’Afrique. La diversité des études, le soin apporté au traitement des informations, la sincérité souvent impitoyable de l’analyse des problèmes sont impressionnants. Ce sont pour la plupart des études très substantielles contenant des propositions stratégiques importantes. Cependant, les rapports souffrent généralement d’une faiblesse incontestable: Ils soulèvent à chaque fois de nouveaux espoirs avec leurs scénarios positifs pour l’avenir, par exemple en suggérant que la pauvreté du continent pourrait être réduite de 30 à 50 % dans un avenir proche, si la voie était correctement tracée par des réformes économiques. Or, un coup d’oeil rétrospectif montre que tous ces pronostics sont restés des illusions. Aucun ne s’est réalisé jusqu’à présent. Jalons importants posés par des réformes économiquesY a-t-il des signes indiquant que le continent serait à un tournant décisif sur la voie de croissance économique? En Afrique subsaharienne, quelques réformes prometteuses ont été effectivement mises en route et un petit nombre de pays a atteint la phase de décollage. Sous l’effet des programmes d’ajustement structurel (PAS), les taux d’inflation ont considérablement baissé dans la plupart des pays. Les déséquilibres fiscaux ont été éliminés. Avec la libéralisation des marchés, l’ouverture au commerce extérieur et la suppression des offices de commercialisation, les droits de douane ont diminué, les prix administrés ont disparu et il y a une meilleure allocation des ressources. Les taux de change sont pour la plupart adaptés et ne risquent pas d’avoir une incidence négative sur le développement économique. Les exportations ont également augmenté à cause des taux de change réalistes pratiqués dans beaucoup de pays. En ce qui concerne les taux de croissance du produit intérieur brut (PIB), des petits succès se dessinent depuis 1994 après de nombreuses années de stagnation. Par contre, la crise de l’endettement n’est pas encore résolue. Nouveaux espoirs?Une nouvelle étude de la Banque mondiale vient de paraître (Banque mondiale 2000). Que dit-elle sur les perspectives de croissance de l’Afrique? «Pour réduire de moitié la pauvreté extrême, il faut une croissance annuelle de plus de 7% ainsi qu’une répartition plus équitable des revenus (op. cit. p. 2). Or, tout expert raisonnable concédera qu’un taux de croissance de 7% est irréaliste. Mais si nous partons quand même de l’hypothèse que ce voeu pourrait devenir réalité, les calculs élémentaires suivants nous montrent combien de temps il faudrait pour surmonter la pauvreté en Afrique: 1. L’Afrique subsaharienne aurait besoin de 50 ans (en supposant que la transition démographique surviendrait après 35 ans) pour faire passer le revenu moyen par habitant de 500 $ aujourd’hui à 3.900 $, ce qui correspond à peu près au niveau actuel à l’île Maurice. 2. La Côte d’Ivoire, où le revenu moyen par habitant est actuellement de 800 $, mettrait 32 ans, avec ce taux de croissance, pour se hisser au niveau actuel de l’île Maurice. 3. Différentes analyses moins aisément accessibles de la Banque mondiale et du FMI partent d’un taux de croissance probable de 3% et non de 7%. Quelles seraient par exemple les conséquences d’une croissance de 4%? Les pays à faible revenu pourraient atteindre un revenu moyen par habitant d’environ 500 $ après 25 ans, et il leur faudrait 25 autres années pour atteindre un revenu de 1.300 $. Les pays ayant un niveau initial plus élevé nécessiteraient moins de temps. 4. Si nous nous basons, par contre, sur le taux pronostiqué par le FMI dans son «Global Economic Prospects» (2000), selon lequel le PIB de l’Afrique augmenterait seulement de 3,4%, et que nous tenons compte de la croissance démographique de 2% par an, force est de constater que le revenu moyen par habitant n’augmenterait que de 1,4% par an. D’autres études indiquent d’autres taux de croissance, plus bas ou plus élevés. Admettons que la croissance du revenu moyen par habitant pourrait atteindre 1,7%. Dans les pays où le revenu moyen actuel ne dépasse pas 200 $, cela signifie qu’il faudrait 50 ans pour atteindre un niveau de moins de 500 $. Si l’on tient compte de la perte de capital humain due à la pandémie de VIH/SIDA, les taux de croissance présumés de 4% et même de 1,7% seraient encore trop élevés. Pour les pays jouissant de meilleures conditions de départ, la situation est naturellement différente, mais selon la Banque mondiale, seulement 9 des 48 pays d’Afrique subsaharienne ont un revenu moyen par habitant de plus de 1.000 $ et seulement 5 dépassent 2.500 $ (Gabon, Seychelles, Botswana, Maurice et Afrique du Sud).Si donc nous nous appuyons sérieusement sur les pronostics de la Banque mondiale pour évaluer la situation de la pauvreté en Afrique, quelles conclusions pouvons-nous en tirer? Avec un taux de croissance très élevé du PIB de 7% par an et un meilleur accès de la population aux ressources (c’est-à-dire redistribution), force est de constater que, même au bout de 15 ans, il y aura au moins 250 millions de personnes vivant dans la pauvreté sur le continent. En admettant le taux un peu plus réaliste de 4%, la pauvreté ne pourra être réduite que de façon marginale dans la plupart des pays. Avec un taux de croissance de 3%, il ne sera pas possible de réduire le nombre des pauvres.Au cours des 20 dernières années, rares sont les pays qui ont pu enregistrer un taux de croissance de plus de 3%. Si la tendance des deux dernières décennies se poursuit (taux moyen de croissance presque nul) la pauvreté va s’étendre encore davantage. Afro-réalisme L’Afrique subsaharienne se différencie de plus en plus. En s’efforçant de grouper les pays par catégories économiques, en fonction du taux de croissance du PIB, du revenu par tête, du taux d’investissement et de la productivité ainsi que de l’indice du développement humain, de la répartition des revenus et de l’existence d’institutions stables, on peut distinguer cinq groupes principaux: A) Économies émergentes: Seulement deux États laissent actuellement présager le maintien d’une croissance vigoureuse: l’île Maurice et les Seychelles.B) Pays potentiellement en voie de réforme: Ce groupe comprend huit pays: le Botswana, l’Afrique du Sud, le Lesotho, la Guinée équatoriale, le Gabon, le Ghana et le Cap-Vert. Le Botswana est le pays qui a accusé le plus fort taux de croissance de son PIB durant les 40 dernières années, mais cette tendance s’affaiblit actuellement (perte de capital humain, grandes disparités). En Afrique du Sud, les processus de transformation s’avèrent très compliqués. La répartition des revenus est extrêmement inégale, la société continue d’être divisée et, malgré une politique économique acceptable dans son essence, les problèmes s’aggravent en particulier sur le marché du travail, ce qui continue de freiner les investissements d’origine locale et étrangère. L’économie sud-africaine piétine depuis plusieurs années à un faible niveau de croissance. Le Ghana fait figure, depuis des années, de pays modèle de l’ajustement structurel, mais sa situation économique est précaire. Il n’enregistre de succès dans le secteur des exportations que pour les denrées agricoles traditionnelles. Des chutes de prix répétées ont entraîné la stagnation de l’économie. Le pays n’a pas su profiter des phases de boom pour jeter les bases d’une diversification de son économie. Le secteur industriel est restreint et son efficience est très faible. En poursuivant les réformes économiques, les pays de ce groupe peuvent certainement atteindre de plus fort taux de croissance de leur PIB et de leurs exportations. Quelques pays ont pu accroître considérablement leurs exportations et augmenter le taux de croissance de leur PIB au cours des dernières années. Tel est le cas, par exemple, de la Guinée équatoriale grâce aux exportations pétrolières. Mais pourra-t-il en découler un nouveau miracle économique ? Les pays potentiellement en voie de réforme ont besoin de taux de croissance de 6 à 8% pendant une longue période pour pouvoir franchir un tournant décisif dans la lutte contre la pauvreté, dans la réduction de la croissance démographique et dans l’augmentation des investissements. Cela est difficile en particulier pour les pays fortement tributaires des exportations de matières premières, car il leur faut des mesures de politique économique appropriées contre la Dutch Disease, contre les chocs causés par la détérioration des termes de l’échange et contre leur dépendance de l’économie de rente pour pouvoir déclencher un processus de diversification de leur production. C) Pays à faible revenu ayant de maigres chances de développement: L’économie stagne, tous les indicateurs de croissance sont faibles. Ce groupe comprend l’Ouganda et la Côte d’Ivoire dont le potentiel a souvent été surestimé. D) Pays à faible revenu sans perspectives de développement à long terme: La plupart de ces pays sont pris dans le piège d’une crise de croissance, dans un «cercle vicieux» de pauvreté et de conflits. Le Nigeria fait partie de ce groupe à cause de son déclin économique et politique durant plus de 20 ans. Même si le pays reprend espoir, il ne remportera pas de succès à court terme. E) Pays (actuellement) sans perspectives: Ce sont, entre autres, les pays victimes de catastrophes, tels que le Sierra Leone, l’Angola et le Liberia et les pays sans cesse menacés, tels que l’Éthiopie et le Burundi. Les pays des groupes C, D et E, qui sont tous des pays à faible revenu, représentent à peu près quatre cinquièmes des pays d’Afrique subsaharienne. Ils ne sont guère en mesure de faire démarrer une croissance durable. Cela apparaît clairement dans leurs graves problèmes économiques: 1. La plupart de ces pays ne possèdent pas d’institutions fonctionnant correctement. Il s’agit presque partout d’États rentiers néo-patrimoniaux. Or, les conditions décisives à leur développement sont la stabilité politique, la sécurité des droits de propriétés et des institutions axées sur la promotion du développement. 2. Le bas niveau d’accumulation du capital se reflète dans la faiblesse du progrès technique. 3. A cela s’ajoute le faible niveau de développement des ressources humaines. 4. L’accélération dramatique de l’urbanisation s’accompagne de l’extension du secteur urbain informel et du secteur agricole péri-urbain. L’informel est omniprésent et, avec le manque de stabilité macro-économique et la persistance de l’économie de rente, ses côtés dysfonctionnels risquent de s’amplifier encore davantage. Prolifération du secteur informel, activités illégales et économie de guerre s’entremêlent et gangrènent la vie économique de beaucoup de pays. 5. La faible profondeur de la production est une caractéristique essentielle des économies africaines. Les exportations de produits finis proviennent pour la plupart des pays des groupes A et B ou de pays pratiquant une politique délibérée de substitution des importations. Dans les pays des groupes C, D et E, ce n’est pas encore le cas, et les exportations de produits agricoles et de matières premières continuent de dominer. 6. Le volume de l’épargne est faible. C’est pourquoi les investissements ne peuvent pas être financés au moyen des épargnes nationales. Les activités d’investissement dépendent des importations de capitaux, qui proviennent en majeure partie de l’aide au développement. Même un doublement du volume des investissements ne parviendrait pas à engendrer la croissance nécessaire à la plupart de ces pays (cf. Hoeffler 2000). 7. Un très grand nombre de pays à faible revenu compte sur l’aide au développement étant donné que les investissements étrangers directs, les investissements de portefeuille et les crédits bancaires y sont négligeables. Les transferts d’aide non remboursable sont souvent accaparés sous forme de revenus de rente par les élites néo-patrimoniales et ne sont pas utilisés à des fins productives. L’aide au développement favorise l’émergence d’institutions parallèles qui affaiblissent les institutions étatiques. 8. Une déterminante importante du sous-développement qui persiste dans ces pays est la très grande inégalité des revenus et de la fortune qui, selon toutes les estimations, va encore augmenter dans les prochaines années à cause de l’exode rural. Cela accentue les menaces de troubles politiques et sociaux et donc les risques. Dans l’ensemble, la capacité des sociétés africaines de maîtriser les défis de l’avenir a donc plus diminué qu’augmenté. Le développement d’institutions sociales n’a pas pu garder le pas avec l’évolution rapide du monde moderne. Au contraire, plus la pression de la modernisation augmente, plus la cohésion sociale semble baisser. Apparemment, beaucoup de pays sont à considérer comme «structurellement non développables» (R. E. Thiel). Le développement par la stabilité structurelleDans un «Mémorandum pour une réforme de la politique allemande à l’égard de l’Afrique» qui a été présenté récemment, il est proposé de reformuler cette politique en tenant compte des réalités décrites ci-dessus. Pour les pays des groupes C, D et E, les auteurs proposent une stratégie de stabilité structurelle: «L’objectif central ... est de renforcer durablement des institutions et normes sociales jusque là fragiles et instables. Les institutions de la société civile et de l’État doivent être mises en mesure de développer des mécanismes constructifs et non violents pour la gestion et la résolution des conflits d’intérêts latents et ouverts» --------------------------------------------------------------------------------Références bibliographiques Ulf Engel, Robert Kappel, Stephan Klingebiehl, Stephan Mair, Andreas Mehler et Siegmar Schmidt (2000): Memorandum zur Neubegründung der deutschen Afrikapolitik. Frieden und Entwicklung durch strukturelle Stabilität. Berlin peut être obtenu par Email: kappel@rz.uni-leipzig.deAnke E. Hoeffler (2000): The Augmented Solow Model and the African Growth Debate. Leipzig (ULPA - University of Leipzig Papers on Africa. Politics and Economics Series, No. 43). Journal für Entwicklungspolitik Nr. 2/2000, Themenheft «Afrika - Bilanz und Perspektiven».Robert Kappel (2001): Catching-Up mittelfristig kaum möglich: Begründung für die langanhaltende Wachstumsschwäche in Afrika, in: Renate Schubert (éd.): Entwicklungsperspektiven von Niedrigeinkommensländern. BerlinBanque mondiale (2000): Can Africa Claim the 21st Century? Washington DC -------------------------------------------------------------------------------Prof Dr Robert Kappel est professeur de sciences économiques à l’Institut d’Études Africaines de l’Université de Leipzig. kappel@rz.uni-leipzig.de